MONTRÉAL – Plusieurs entreprises qui ont des postes à pourvoir pourraient devoir se casser la tête en 2016. Des données recueillies par Argent démontrent que le nombre de permis de travail délivrés a fondu depuis que le gouvernement Harper a remanié les règles du Programme de travailleurs étrangers temporaires (PTET) en juin 2014.
Selon des statistiques fournies par Emploi et développement social Canada, 77 733 permis de travail ont été émis entre janvier et mars 2015, ce qui donne une estimation de 310 000 permis pour l’année complète.
Ce nombre représente une chute draconienne, comparé aux deux années précédentes, alors que 435 702 permis de travail avaient été attribués en 2013, pour ensuite chuter à 383 834 en 2014.
Pas de changement en vue
En décembre dernier, le nouveau ministère fédéral de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et du Travail, réitérait que le programme doit être utilisé comme mesure de dernier recours, lorsque des employeurs font face à des pénuries de main-d’œuvre. Rien n’indique que la ministre MaryAnn Mihychuk ait l’intention de modifier la situation, à court terme.
«Le gouvernement continuera de surveiller le programme afin de s’assurer qu’il atteint ses objectifs et procédera à des ajustements, au besoin, afin de préserver l’intégrité de ces derniers», a écrit dans un courriel la porte-parole Evelyne Wildgoose Labrie.
Le fédéral se réserve le droit de refuser de traiter les demandes de travailleurs dans les secteurs de l’hébergement, de la restauration et du commerce du détail, si celles-ci proviennent d’employeurs oeuvrant dans des régions où le taux de chômage annuel est de 6 % et plus. Ce qui couvre une large partie du Québec.
Saignée dans le commerce de détail
L’impact s’est rapidement fait sentir sur certains secteurs.
Les permis de travail ont chuté de manière significative dans les postes de superviseur de la vente au détail passant de 15 298 en 2013 à 7375 en 2014 et à une estimation de 1280 en 2015. Le secteur des représentants des ventes, du commerce de gros et de détail, a également connu une saignée majeure perdant plus de 12 500 permis de travail entre 2013 et 2015.
Les métiers industriels et ceux liés à l’électricité et à la construction sont aussi grandement affectés, puisque le fédéral n’a accordé qu’environ 1600 permis en 2015 contre près de 13 000 en 2013.
Le secteur de l’aéronautique en a particulièrement souffert. Bombardier, par exemple, a subi ces contraintes lorsqu’elle a voulu embaucher des spécialistes étrangers pour obtenir la certification de l’avion CSeries et qu’elle planifiait le développement des autres modèles d’avion d’affaires.
«Momentanément, on a eu certaines difficultés, dont des délais plus longs pour obtenir les permis de travail. Mais nous avons mis en veilleuse les autres projets (NDLR : Learjet 85), donc on a réglé le problème par la force des choses», a confirmé la porte-parole de Bombardier, Isabelle Rondeau.
Ce qu’ils ont dit
«Il y a des secteurs qui n’ont carrément plus accès aux travailleurs étrangers temporaires. Ça prend un système adapté aux besoins des PME», Martine Hébert, Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI).
«La récente réforme altère leur capacité à recruter ces talents stratégiques à l’étranger en ajoutant de nouvelles restrictions à leur embauche et en alourdissant le processus administratif», Michel Leblanc, président de la Chambre de commerce du Montréal Métropolitain,
«On vit plein d’aberrations avec les permis de travail. Il manque de souplesse dans les règles. Ce que le fédéral impose ne marche pas très bien», Me Jean-Sébastien Boudreault, Association québécoise des avocats et avocates en droit de l’immigration (AQAADI).
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