AMESTERDAM – Après avoir fui la guerre au péril de leurs vies, les réfugiés sont menacés de nouvelles attaques en Europe, celles de microbes proliférant dans des camps bondés où pourraient se déclarer à grande échelle des infections diverses, prévenu des experts.
Leurs systèmes affaiblis par la fatigue, le manque de nourriture, d’eau propre et de médicaments, les réfugiés sont aujourd’hui les cibles faciles de maladies évitables, mais aux conséquences dramatiques faute de soins.
Gale, rougeole, choléra, tuberculose ou fièvre typhoïde.., en Europe, la plupart de ces maladies ont été reléguées aux oubliettes, assurent les experts lors d’une conférence sur les maladies infectieuses à Amsterdam.
Plusieurs d’entre elles sont réapparues, provoquant des dégâts considérables dans les camps, d’où elles pourraient reprendre prise au sein des populations d’accueil.
«Il y a peut-être un problème, dans l’avenir», a prévenu le spécialiste turc en maladies infectieuses, Hakan Leblebicioglu.
La tuberculose, la polio et la rougeole «devraient être considérées comme des menaces émergentes pour les réfugiés mais aussi pour la région et peut-être pour l’Europe», a-t-il affirmé aux experts présents à la conférence.
De plus en plus de réfugiés vont arriver de pays où ces maladies restent répandues, à un moment ou le mouvement anti-vaccins européen provoque des «vides dans la couverture», selon M. Leblebicioglu, et que la résistance aux antibiotiques est une inquiétude grandissante.
Dépister, traiter et vacciner
Selon les agences de réfugiés, plus d’un million de migrants sont arrivés en Europe l’année dernière, la pire crise migratoire sur le continent depuis la Seconde guerre mondiale. Cette année, ils étaient déjà près de 180 000 à rejoindre l’Europe.
Beaucoup de ces réfugiés se retrouvent ensuite dans des camps mal équipés pour faire face à cet afflux sans précédent.
L’un des problèmes est l’absence de politique européenne commune pour dépister les nouveaux arrivants, les traiter et les vacciner, assurent les experts.
«Il n’y a pas de standard européen», a affirmé à l’AFP Nicholas Beeching, de l’école de médecine tropicale de Liverpool, en Grande-Bretagne.
Les dépistages sont effectués au hasard: «parfois alors qu’il n’y a que peu d’indications», ou encire ils constituent «partiellement une réponse politique», a-t-il affirmé.
Des infections se sont déjà déclarées dans des camps de réfugiés: la rougeole en France et en Turquie, la gale aux Pays-Bas, la salmonelle en Allemagne et le SAMR, une infection de la peau résistante aux antibiotiques, en Suisse.
Les causes en sont diverses, explique M. Leblebicioglu. Les réfugiés «vivent dans des conditions peu hygiéniques, dans des camps bondés, et il y a dans certains pays un problème d’accumulations d’ordures».
Des obstacles culturels ou de langue peuvent également diviser les réfugiés et les professionnels de la santé. Beaucoup de réfugiés «ne savent pas comment accéder aux soins de santé, même s’ils y ont droit», a affirmé M. Beeching.
Les systèmes européens sont de plus surchargés, affirment les experts en appelant à une augmentation des fonds et à une approche commune pour le dépistage et le traitement. Malgré le prix, cela en vaudrait la peine, arguent-ils.
Seulement un tiers des gouvernements européens ont une politique de dépistage de la tuberculose, assure l’expert italien de santé publique, Alberto Matteelli.
Le virus du VIH est une autre inquiétude. Selon des chercheurs danois, les migrants ont en effet un taux d’infection plus important de ce virus qui provoque le sida, et reçoivent leur diagnostic plus tard.
Cela a des conséquences pour la santé publique, explique Laura Deen, de l’université de Copenhague, «en terme de risques de transmission aux individus qui ne sont pas conscients de leur infection».
Les orateurs à Amsterdam ont néanmoins répété que le risque réel d’une transmission à la population locale est négligeable.
«Le fait qu’ils soient marginalisés et ne s’intègrent pas à la communauté européenne est à l’origine des maladies et protège les communautés européennes», assure M. Matteelli.
La meilleure manière d’agir est d’assurer un dépistage rapide, traiter les maladies infectieuses parmi les réfugiés et donner un accès au système de soins de santé du pays d’accueil, assure-t-il.
«Si nous faisons tout cela, nous pourrons observer une meilleure santé pour les réfugiés, pour les fournisseurs de soins et pour les communautés locales», a-t-il ajouté.
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