Ottawa (Ontario)
Le 14 juin 2016
L’allocution prononcée fait foi.
J’ai pensé, puisque la session parlementaire tire à sa fin, qu’il serait peut‑être temps de faire un bilan pour présenter nos réalisations et nos projets sur le plan de l’immigration et pour vous dire pourquoi j’estime que l’immigration est si importante. À mon avis, cette question est plus cruciale que jamais maintenant que nous avons une population vieillissante.
Notre population vieillit. L’immigration a toujours été importante et fondamentale pour le Canada, mais elle le sera encore plus à l’avenir, étant donné ces nouvelles conditions démographiques. Pour illustrer l’importance de l’immigration et des immigrants, j’ai pensé commencer par vous présenter trois immigrants ici présents, qui représentent des modèles de ce que le futur pourrait nous apporter.
Tout d’abord, voici le docteur Michael Schlossmacher, originaire d’Autriche, un chercheur en médecine reconnu pour ses travaux sur la maladie de Parkinson. Il n’est pas encore citoyen canadien, mais il le deviendra dans quelques mois, je crois. Bienvenue.
Juste à mes côtés se trouve également madame Denise Siele, qui se dit née au Kenya, mais faite au Canada, et qui est l’une des 40 personnalités marquantes de moins de 40 ans d’Ottawa. Bienvenue, Denise.
Enfin, et je m’excuse s’il y a d’autres immigrants à la table à l’avant, mais il y en a au moins un autre : Carl Nicholson, directeur général du Centre catholique pour immigrants, à Ottawa, un organisme qui a amené ici de nombreux réfugiés. Il a sûrement de bonnes idées pour améliorer notre performance en la matière. Bienvenue et merci à nos trois immigrants.
Comme je le disais, je voudrais faire un bilan, voir où nous en sommes, ce que nous avons accompli et là où nous nous dirigeons. Je commencerai par nos réalisations dans certains domaines. Avant de parler des immigrants, je voudrais dire quelques mots sur la citoyenneté, parce que cela fait également partie de mon portefeuille. Nous avons déposé un projet de loi au Parlement qui modifiera la Loi sur la citoyenneté, réduira certains des obstacles à son accession, mais, surtout, fera en sorte que le gouvernement ne pourra plus révoquer la citoyenneté de certaines catégories de Canadiens.
Vous en avez peut‑être déjà entendu parler. Cela repose sur le grand principe qu’il n’y a qu’une catégorie de Canadiens, et qu’un Canadien est un Canadien, point à la ligne.
J’espère que ce projet de loi passera l’étape des Communes avant la pause estivale et celle du Sénat le plus tôt possible. Il y a trois catégories d’immigration usuelles : celle des réfugiés, celle du regroupement familial et celle de l’immigration économique. J’aimerais décrire ces trois catégories en précisant nos réalisations et nos plans pour chacune d’entre elles.
Je peux vous dire d’emblée que je n’aime pas tellement le terme « immigration économique », parce qu’elle sous‑entend qu’il y a des immigrants bons, utiles et productifs, alors que tous les autres immigrants ne sont pas très utiles et que nous laissons entrer uniquement parce que nous sommes gentils.
Il n’y a rien de plus faux. Chaque immigrant participe à l’économie dans une certaine mesure. Par exemple, les immigrants de la catégorie du regroupement familial, même les parents ou grands‑parents qui ne sont pas sur le marché du travail, facilitent l’entrée de la mère et du père sur ce marché en s’occupant des enfants.
Il s’agit là d’un des points forts de nos programmes visant les réfugiés au fil des années. Oui, c’est un acte de générosité à court terme. Or, si nous regardons les vagues passées de Vietnamiens, d’Ougandais et de Hongrois, nous récupérons notre investissement et les immigrants deviennent même un investissement productif à long terme pour le Canada. Tous les immigrants sont économiques à différents degrés.
Mais bon, c’est la terminologie que nous utilisons. Je ne trouve pas de meilleur terme, mais si vous en trouvez un, dites‑le‑moi. Il y a donc la catégorie des réfugiés, la catégorie du regroupement familial et la catégorie non identifiée. Pour moi, les réfugiés représentent plus un geste du cœur qu’un geste de l’esprit ou encore des dollars. Ça va coûter quelques dollars. Je suis un économiste, et les dollars et les cents, je connais, mais l’initiative visant les réfugiés, c’est quelque chose qui nous a aidés à nous définir comme Canadiennes et Canadiens.
Comme vous le savez, nous avons modifié le système pour que les réfugiés aient à nouveau accès à des soins de santé et nous avons réussi à accueillir 25 000 réfugiés syriens avant la fin de février. Nous avons atteint cet objectif : 99 % de ces réfugiés ont maintenant un domicile permanent. Nous avons cependant encore du travail à faire. Ça progresse sur les plans de la formation linguistique et de l’accès à l’emploi. Je pense que le principal, c’est que quelque chose d’extraordinaire s’est produit, et je ne sais trop pourquoi, mais quand nous avons commencé en novembre, la sécurité était la principale inquiétude de bon nombre de Canadiennes et de Canadiens.
Il y avait eu les attentats de Paris et, naturellement, les gens se préoccupaient beaucoup de sécurité. Mais en quelques semaines seulement, il semble que les attitudes se soient transformées en un grand projet d’accueil. C’est devenu un projet réellement national dans lequel les Canadiennes et Canadiens de 7 à 77 ans se sont mobilisés pour accueillir ces réfugiés.
C’est une expérience qui m’a vraiment fait chaud au cœur, et elle en dit long sur notre pays, particulièrement à une époque où la plupart des régions du monde sont aux prises avec une crise de migration. Ç’a été une expérience extrêmement exaltante et satisfaisante pour moi, même si je sais qu’il reste encore des défis à relever et que nous connaîtrons de nombreuses autres difficultés.
Je dirais également que, en conséquence, je me retrouve avec un problème auquel aucun autre ministre de l’Immigration n’est confronté. En effet, je ne peux accepter les demandes des réfugiés assez rapidement pour répondre à l’extraordinaire offre de tous ces généreux Canadiens et Canadiennes qui veulent les amener ici. C’est un beau problème, que d’autres ministres de l’Immigration m’envieraient parce qu’il reflète la générosité de notre population, mais ça n’en demeure pas moins un problème pour moi et pour nous.
J’ai donc garanti à tous les répondants de réfugiés qui ont présenté leur demande avant la fin de mars que les réfugiés seraient ici avant la fin de l’année ou au début de l’année prochaine. Je ne peux en faire plus, parce que nous avons convenu d’admettre 300 000 personnes. C’est notre capacité absolue. Si j’approuvais 1 000 réfugiés syriens de plus, cela voudrait dire 1 000 autres personnes en moins, comme des réfugiés provenant d’Afrique et des conjoints qui attendent depuis une éternité. Nous avons fait tout ce que nous pouvons cette année, parce que nous ne pouvons mettre d’autres personnes méritantes à plus grand risque.
Ça, c’est pour les réfugiés. À écouter les médias, on croirait que le ministre de l’Immigration devrait plutôt s’appeler le ministre des Réfugiés seulement, parce que c’est de cela qu’on entend parler aux nouvelles. En anglais, cette appellation donne lieu à un acronyme malheureux : MORON, ou « crétin » en français. J’espère que ce sobriquet ne s’applique pas à moi. Trêve de plaisanteries : nous nous occupons d’autres dossiers que ceux des réfugiés, même si ces derniers sont très importants. La catégorie du regroupement familial constitue le deuxième élément. Et nous ne nous occupons pas de ces cas parce que nous sommes gentils.
En effet, nous sommes en concurrence avec le reste du monde pour accueillir les immigrants. Si nous voulons attirer au Canada des gens intelligents et talentueux comme ceux qui sont assis à cette table, il vaut mieux laisser aussi venir leur famille, ou ils pourraient choisir de ne pas venir ici. C’est en partie un geste humanitaire, mais également un calcul économique : si nous voulons attirer les meilleures personnes, nous devons également accueillir leur famille.
Il faut toutefois mettre de l’ordre dans le système de regroupement familial parce que, au cours des dix dernières années, les délais de traitement pour les époux ont explosé, au point où ces derniers doivent attendre deux ans avant d’entrer au pays. Je ne crois pas que ce soit la bonne approche pour l’État canadien de maintenir des époux séparés pendant deux ans. C’était d’ailleurs l’engagement central de notre campagne de remédier à ce problème.
Un paquebot ne peut changer de cap rapidement. Il est possible de changer les règles concernant la santé des réfugiés en signant un document, mais non de réduire les délais de traitement. Il y a deux volets à nos actions. D’abord, nous avons investi plus d’argent pour embaucher plus d’agents afin de traiter un plus grand nombre de demandes. Nous avons relevé les niveaux d’immigration pour les époux. Nous avons en outre augmenté de 12 000 le nombre d’époux admis cette année.
Ensuite, nous devenons plus efficaces. Vous avez peut‑être remarqué que nous avons accueilli les réfugiés rapidement, et ce, sans faire de compromis sur la sécurité et la santé. Aux fonctionnaires, je dis que c’est comme être puni pour s’être bien comporté. Vous avez été fantastiques dans le dossier des réfugiés, alors vous n’avez qu’à transférer ces belles réalisations à la catégorie du regroupement familial et aux autres catégories d’immigration.
Nous pourrons ensuite agir rapidement et efficacement pour les autres immigrants, comme nous l’avons fait pour les réfugiés. Je ne crois pas que les fonctionnaires voient ça comme une punition. Comme moi, ils savent qu’il vaut mieux réunir plus rapidement les familles. Je peux vous dire que la fonction publique travaille fort pour appliquer les leçons tirées de notre expérience réussie avec les réfugiés syriens afin d’atteindre la même rapidité et la même efficacité dans le cas du regroupement familial et des soi‑disant immigrants économiques.
Grâce à une combinaison de niveaux d’immigration accrus, d’argent supplémentaire et d’une plus grande efficacité, nous espérons améliorer la situation des délais de traitement pour les immigrants de la catégorie du regroupement familial. J’ai dit que je souhaitais que ce soit principalement vous qui posiez des questions, plutôt que moi qui parle. Je prendrai cinq minutes de plus et ce sera suffisant pour parler des immigrants économiques.
Je voudrais citer Krista Ross, présidente de la Chambre de commerce de Fredericton, qui disait récemment que le fait d’accueillir et de retenir plus d’immigrants, y compris des réfugiés, n’est pas une question sociale. C’est une question économique. C’est nécessaire à notre survie. Les immigrants ne nous enlèvent pas des emplois, ils en créent.
Ça, ça vient des Maritimes. J’utilise l’exemple des Maritimes parce que je peux vous dire que quand je parlais des réfugiés, il n’y avait aucune région du pays plus emballée à l’idée d’accueillir des réfugiés que les Maritimes. Il n’y avait aucune région du pays plus emballée à l’idée d’accueillir des immigrants que les Maritimes. Comme l’a dit la Chambre de commerce de Fredericton, c’est une question de survie.
La population des Maritimes vieillit plus vite que l’ensemble du pays. Cela a entraîné un changement d’attitude radical envers l’immigration chez la population des Maritimes. Il y a dix ans, ils n’étaient pas très emballés par l’immigration. Maintenant, ils sont super emballés, et leurs premiers ministres provinciaux ne parlent que de cela. C’est parce qu’ils vieillissent et ont désespérément besoin de gens pour occuper les emplois vacants.
La situation des Maritimes aujourd’hui sera celle de l’Ontario et du Canada dans dix ans, parce que nous aussi, nous vieillissons. Nous devrions voir les Maritimes comme un exemple qui démontre pourquoi, comme pays, il nous faudra plus d’immigrants en raison de notre population vieillissante. Je crois que c’est très clair. Nous savons également que d’autres pays vont avoir besoin d’immigrants. Nous sommes en concurrence avec les États‑Unis, le Royaume-Uni et l’Australie pour les immigrants. Ce que nous devrions faire étant donné notre population vieillissante, étant donné que le Canada s’est bâti sur les épaules des immigrants, c’est de chercher les meilleurs talents en sachant que nous sommes en concurrence avec ces autres pays.
Voici trois approches que nous prendrons pour y arriver : premièrement, nous voulons accueillir plus d’étudiants étrangers en tant que résidents permanents. Le système du gouvernement précédent, avec Entrée express, n’était pas convivial pour les étudiants étrangers pour différentes raisons sur lesquelles je n’ai pas besoin de m’attarder. Nous voulons donner plus de points aux étudiants étrangers pour qu’un plus grand nombre d’entre eux viennent s’installer au Canada en tant que résidents permanents.
Je parle chaque jour à des gens partout au pays. Parfois, les gens ne sont pas d’accord avec moi. Mais jamais personne n’a été en désaccord avec moi quand je dis que les étudiants étrangers constituent une voie de recrutement très fertile pour nous. Ils sont jeunes et scolarisés, et ils parlent anglais ou français. Ils connaissent notre pays. C’est exactement ce dont nous aurons besoin à l’avenir. Voilà un projet visant à accueillir les meilleurs talents.
Deuxièmement, il faut se débarrasser des règles stupides.
Je vous en donne un exemple. Avant, j’étais professeur, et il y a des professeurs qui sont engagés dans une voie menant à la permanence, ce qui veut dire qu’ils sont embauchés pour quatre ans, après quoi ils font l’objet d’une évaluation qui déterminera s’ils obtiennent la permanence. S’ils l’obtiennent, ils restent. S’ils ne l’obtiennent pas, ils partent, mais il y a une règle d’immigration qui stipule que l’emploi doit être à durée indéterminée. En jargon de fonctionnaires, ça signifie un emploi permanent.
À moins d’avoir une offre d’emploi permanent, vous n’êtes pas admissible. Cela exclut immédiatement tous les candidats à des postes pouvant mener à la permanence. Ici, nous excluons des candidats à des postes de professeur dans nos universités. Ils n’obtiennent pas tous la permanence, mais bon nombre d’entre eux pourraient quand même apporter de grandes contributions au Canada. Nous nous tirons dans le pied avec cette règle, et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. Ça illustre le genre de règlements stupides que nous voulons modifier afin de pouvoir accueillir plus efficacement les immigrants talentueux.
La dernière chose que je mentionnerais est que nous avons ce qu’on appelle des EIMT, c’est‑à‑dire des études d’impact sur le marché du travail, dans le cadre desquels un candidat doit prouver qu’il ne prend pas l’emploi d’une Canadienne ou d’un Canadien pour être admis au pays. Ces études conviennent dans certains domaines pour les travailleurs étrangers temporaires. Un comité parlementaire examine d’ailleurs cette question, et je ne m’y attarderai donc pas. Mais pour certaines catégories, ça ne convient pas, et nous évaluerons ça dans l’optique globale de supprimer les règles insensées, de faire tomber les obstacles afin que nous puissions aller chercher les meilleurs talents pour faire croître notre pays, alors que nous sommes confrontés à une population vieillissante.
À cette fin, je mènerai des consultations à la grandeur du pays sur les niveaux d’immigration adéquats non seulement pour 2017, mais aussi pour les années 2017, 2018 et 2019. Nous parlerons à des groupes comme vous, aux gouvernements provinciaux, aux intervenants dans le domaine de l’accueil de réfugiés, à des groupements d’entreprises et à divers autres Canadiens et Canadiennes afin de connaître l’opinion de la population sur ce que devrait être notre vision en matière d’immigration dans les prochaines années.
Je vous remercie beaucoup. J’aurais dû parler davantage en français. Je vous remercie de votre attention et j’espère que vous aurez des questions. Merci beaucoup.
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