Didi Chuxing, principale application chinoise de réservation de véhicules avec chauffeur, va racheter les opérations de son rival Uber en Chine, le mastodonte américain jetant l’éponge au terme d’une bataille ruineuse sur ce marché colossal… mais non rentable pour lui.
En échange de ses actifs en Chine, Uber recevra des parts équivalant à 20 % de l’entité fusionnée, ont expliqué lundi les deux entreprises dans des déclarations distinctes. La valeur totale du nouveau groupe s’élèvera à 35 milliards de dollars selon Bloomberg News.
C’est la fin d’une guerre acharnée et toujours plus dispendieuse entre les deux rivaux, dans laquelle le géant californien aura englouti des milliards de dollars pour grappiller des parts d’un marché en plein essor.
Uber a décidé d’arrêter les frais: en endiguant l’hémorragie de capitaux et ses pertes massives en Chine, l’américain pourra se dégager des marges d’investissement et se positionner pour une cotation prochaine en Bourse.
Le patron-fondateur d’Uber Travis Kalanick s’est d’ailleurs longuement félicité sur Facebook: «Dès qu’on parlait de nos efforts en Chine, la plupart des gens nous trouvaient naïfs ou fous, ou les deux à la fois», a-t-il rappelé, avant de citer les fulgurants progrès d’Uber.
Arrivée début 2014 dans le pays, l’entreprise y est désormais présente dans une soixantaine de villes, avec plus de 40 millions de trajets enregistrés chaque semaine.
Adversaire redoutable
Certes, Didi Chuxing, avec quelque 300 millions d’usagers inscrits à travers 400 villes, dominait l’an dernier 99 % du marché chinois des réservations de taxi en ligne et 87 % de celui des réservations de véhicules privés avec chauffeur.
Mais sur ce créneau, Uber s’arroge désormais entre 10 et 15 % de parts de marché – à coup d’investissements colossaux, en subventionnant largement les trajets des usagers.
Une stratégie efficace, mais coûteuse: M. Kalanick révélait en février que son entreprise brûlait «plus d’un milliard de dollars» par an en Chine.
«J’ai appris que le succès venait d’écouter sa tête autant que son coeur. Servir durablement les villes chinoises n’est possible qu’avec une entreprise rentable», a-t-il finalement reconnu lundi, qualifiant Didi d’«adversaire redoutable».
Didi avait été contraint d’adopter une stratégie similaire, se montrant très généreux en subventions pour maintenir ses parts de marché et multipliant les levées de fonds spectaculaires: la dernière, bouclée fin juillet, représentait 7,3 milliards de dollars. Parmi ses investisseurs «stratégiques» figure le mastodonte américain de l’électronique Apple.
Didi Chuxing, né en 2015 de la fusion de deux applications concurrentes soutenues respectivement par les géants chinois de l’internet Alibaba et Tencent, tente par ailleurs de renforcer ses alliances à l’étranger.
Il a pris l’an dernier des participations dans l’application indienne de réservation de taxis (Ola), ainsi que dans l’américain Lyft, rival d’Uber aux États-Unis: une situation qu’il devra désormais gérer avec son nouveau partenaire.
En Chine même, Uber continuera d’opérer sous son nom avec sa propre application, tandis que l’emblématique Travis Kalanick rejoindra le conseil d’administration de Didi Chuxing… dont Uber sera désormais le principal actionnaire.
Le groupe chinois précise néanmoins qu’il obtiendra «une participation minoritaire» dans Uber. Selon Bloomberg, Didi injectera 1 milliard de dollars dans Uber, valorisant le groupe californien à 68 milliards de dollars.
Pékin conciliant avec les applications de réservation de voitures
L’annonce de fusion intervient par ailleurs juste après la légalisation complète fin juillet par Pékin des applications de réservation de véhicules avec chauffeur – une décision à rebours du durcissement croissant observé en Europe.
À quelques conditions toutefois: les tarifs en-deçà des véritables coûts opérationnels sont ainsi interdits, de quoi mettre en péril le modèle d’une croissance «par subventions» à perte.
De toute façon, outre un environnement réglementaire stabilisé, le groupe fusionné disposera d’un monopole quasi-absolu en Chine. Dans ses conditions, un chauffeur pékinois, M. Su, s’alarme auprès de l’AFP d’une probable «réduction des primes» qu’il recevait de la part de Didi.
De même, la fin de la «guerre des subventions» entre Uber et Didi devrait entraîner une drastique hausse des tarifs pour les passagers, s’inquiétaient nombre d’internautes chinois.
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