MONTRÉAL – Loto-Québec pourrait bientôt tirer profit du blocage des sites de jeux en ligne qui font concurrence à sa plateforme espacejeux.com. La Commission des finances publiques se penche sur le dossier, cette semaine, dans le cadre de débats portant sur l’adoption du projet de loi 74.
Ce projet de loi omnibus porte sur la mise en œuvre de plusieurs mesures annoncées dans le deuxième budget de Carlos Leitao, en mars 2015. Le ministre des Finances a notamment proposé de modifier la Loi sur la protection du consommateur pour protéger les Québécois des sites de jeux en ligne.
Essentiellement, Québec veut imposer aux fournisseurs de bande passante, comme Cogeco, Vidéotron, Bell et Rogers, de bloquer l’accès aux sites de jeux en ligne considérés comme illégaux, sous peine d’amendes. Une liste des sites illégaux serait produite par Loto-Québec.
«Nous ne pouvons pas donner la liste des sites considérés comme illégaux pour le moment, car elle n’est pas complétée. Mais, si le projet de loi est adopté, tous les sites qui ne sont pas détenus par Loto-Québec pourraient se retrouver sur la liste», a expliqué à Argent Patrice Lavoie, directeur des communications et des relations de presse pour Loto-Québec.
Le représentant de la société d’État a indiqué qu’un appel d’offres sera éventuellement lancé pour inviter les promoteurs de jeux illégaux à légitimer leur produit en se joignant à la plateforme espacejeux.com. De plus, seuls les sites commerciaux, dont l’adresse se termine par .com et .ca, seraient ciblés par la loi.
Depuis le lancement de sa plateforme en 2010, Loto-Québec demeure un joueur marginal dans le marché des jeux en ligne. Une recherche menée par la firme Ipsos, en 2012, a révélé que le site espacejeux.com détenait seulement 20,6 % des parts de marché des jeux en ligne. Le reste des parts sont détenues par les sites de jeux illégaux.
Au deuxième trimestre de l’exercice 2015-2016, espacejeux.com a cependant généré des recettes de 28,3 millions $, en hausse de 28,2 % par rapport à la même période de l’année précédente.
Des fournisseurs d’accès internet ont émis des réserves quant au projet du gouvernement du Québec. Dans une missive adressée au premier ministre Philippe Couillard et à son ministre des Finances, Carlos Leitao, en novembre dernier, Cogeco soutenait que le projet de loi pourrait compromettre le principe de libre accès à l’internet, jusqu’ici respecté au Québec et ailleurs au pays.
«Cette loi, le cas échéant, établira un précédent, non seulement au Québec, mais aussi pour d’autres autorités législatives au pays. La mesure annoncée aura pour effet de faire basculer le Québec dans le camp des juridictions où le libre accès à l’internet sera compromis», peut-on lire dans la lettre de Cogeco.
Une vingtaine de pays ont établi des règles pour obliger le filtrage des sites de jeux en ligne illégaux. C’est le cas de la France, du Danemark, de la Belgique, de l’Italie et de l’Espagne, notamment.
Poker Trail débouté en cour
Par ailleurs, la firme Poker Trail Management a été déboutée en cour mercredi dans sa tentative de réclamé 6,1 millions $ à Loto-Québec.
La cour a estimé que l’action de Poker Trail était abusive et a exigé le paiement des frais de justice défrayés par Loto-Québec et la Société du jeu virtuel du Québec.
André Boyer et Pierre Martel, de Poker Trail et fondateurs de la Ligue de tournois de poker du Québec, alléguaient que la société d’État avait détourné de façon déloyale les membres de la Ligue au profit de son propre site web Espace Jeux.
Dans un contrat signé en 2011, il était permis à Loto-Québec et Espace Jeux d’afficher leurs logos sur le site web de la Ligue de tournois de poker du Québec. En retour, une somme de 65 000 $ devait être versée à Poker Trail Management.
Poker Trail réclamait 6,1 millions $ pour couvrir des pertes de revenus liés à la commandite de Loto-Québec en plus d’un montant pour dommages. Loto-Québec avait riposté avec une poursuite en diffamation de 235 000 $ contre Poker Trail et ses fondateurs, qui avaient diffusé une vidéo dans laquelle André Boyer dénonçait les gestes allégués de Loto-Québec.
Poker Trail Management devra par ailleurs verser 50 000 $, avec intérêts, à Loto-Québec et devra également se rétracter pour les propos avancés contre la société d’État.
Le directeur des communications de Loto-Québec a brièvement réagi à cette décision.
«Loto-Québec accueille évidemment très favorablement la décision du juge, qui confirme la position et les arguments de l’entreprise», a indiqué Patrice Lavoie.
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